« L’enfantement : âge de la vie ou mouvement originaire ? », dans Natalie DEPRAZ et Marion BERNARD (coord.), « Phénoménologie des âges de la vie », ALTER revue de phénoménologie, N° 32 / 2024, p. 75-95.
Premières lignes de la contribution : Du point de vue des sciences de la nature, il est habituel de considérer que l’âge de l’enfantement s’étend de la puberté à la ménopause. Le corps médical s’accorde cependant sur le fait qu’une grossesse précoce, avant l’âge de 15 ans, bien que pouvant être menée à terme, n’est pas sans risque pour une jeune fille, tandis que le législateur français a porté à 45 ans l’âge limite pour envisager une grossesse avec un traitement de procréation médicalement assistée. Ces approches physiologique, médicale et législative servent à normer la prévention et le soin des femmes relativement à la procréation. Cependant, ces principes normatifs définis selon les âges de la vie suffisent-ils à penser le sens de l’enfantement ? Permettent-ils de prendre la mesure des mutations anthropologiques radicales auxquelles nous serons bientôt confrontés ?
Le recours aux gamètes artificiels et à l’utérus artificiel pourrait faire de nous la première civilisation dont les enfants ne naîtront plus de la complémentarité procréative des deux sexes ni d’un corps humain de sexe féminin. Cette prospective hautement vraisemblable indique l’urgence d’une réflexion sur le sens universel de l’enfantement, qu’une approche selon la seule considération des âges de la vie ne suffit pas à éclairer. Quelle est la raison d’être de l’enfantement ? Quel sens cela a-t-il que tous les enfants, garçons et filles, naissent d’un corps humain féminin et en soient ainsi dépendants ? Y a-t-il une raison, une nécessité, une finalité à cela ou, au contraire, se passer du corps et de la subjectivité des femmes dans l’enfantement serait une liberté enfin acquise sur notre finitude ? …